La V° République devenue (en plus) … un régime censitaire (qui s’ignore) ?
La V° République devenue (en plus) … un régime censitaire (qui s’ignore) ?
On sait que depuis F. Mitterrand le droit qu’avait le peuple français de se déterminer sur son sort - directement ou via ses parlementaires - a été transféré à des institutions ad hoc. Chargées de la mise en œuvre d’une idéologie sociétale fondée sur la liberté d’agir des opérateurs économiques et financiers. Institutions ad hoc de superposition et de substitution qui décident elles-mêmes. Ou qui donnent aux chefs d’Etats et de gouvernements, l’ordre de faire ceci ou de ne pas faire cela. Lesquels feront à leur tour voter (sans forcément dire d’où leur demande vient) ce qu’il faut aux parlements de leurs pays. Dirigeants qui prendront aussi les mesures nécessaires pour que leurs concitoyens ne soient pas surpris de ce qu’on leur impose ainsi, ou soient calmés s’ils en sont irrités.
Dans ce système, les citoyens utilisent leur bulletin de vote, juste pour désigner ceux qui exécuteront les instructions venues d’ailleurs, fût-ce contre les intérêts actuels ou futurs de la collectivité.
Ce qui évidemment est assez loin de la notion de démocratie, au moins si l’on donne à ce mot la définition de Lincoln : « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ».
Et ce qui ne laisse pas grand’ chose non plus à l’esprit (ou même à la lettre (1) de certaines dispositions) de la « constitution de Gaulle » de 1958.
Mais ce n’est pas tout. Des études très documentées, rédigées par des journalistes d’investigation et des chercheurs (2), sur le CV. d’E. Macron et sur la « fabrication » de ce dernier comme personnage politique, ont mis en relief une autre question qui porte sur le même thème.
Aujourd’hui, pour se présenter « crédiblement » aux élections présidentielles, il faut pouvoir disposer de sommes d’argent considérables (30 à 50 millions € ). Il faut également (et … surtout peut-être) bénéficier de la propagande des médias (propriété de la même minorité, celle qui pourvoit au financement). Médias qui disposent des moyens et du savoir faire pour orienter suffisamment de votes pour que le résultat préparé sorte des urnes (3) .
Ce qui, vu du côté des candidats potentiels, peut être présenté comme suit : 1/. quand on n’a pas d’argent et 2/. quand on ne se met pas au service (4) de ceux qui détiennent les leviers de la finance … on ne peut ni se présenter utilement, ni avoir des chances d’être élu.
Ce qui fait que l’élection du président de la République s’inscrit désormais de facto dans le cadre d’une sorte de régime censitaire. Certes l’argent que l’on possède soi-même n’est juridiquement pas (comme jadis) une condition d’éligibilité. Mais l’argent conditionne quand même l’élection … à travers l’usage qui en est fait par ceux qui en ont le plus
Clamer : « Macron … président des riches ! » est bien dérisoire (5) . Lorsqu’un président de la République est élu dans un tel contexte, il ne faut pas s’étonner qu’il se comporte plus en mandataire du monde de la finance et des affaires - la minorité - qu’en représentant de l’ensemble des citoyens.
Il y a évidemment des solutions techniques. Mais qui supposent qu’il y ait quelqu’un pour les mettre en oeuvre. Comme cela arriva quelques fois dans notre histoire (6).
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités
(1) exemple : après le transfert de compétences vers les organismes ad hoc « européens », il ne reste pas grand ’chose de la « réalité » des dispositions de l’article 34 de la constitution (matières dans lesquelles le vote d’une loi … - par les parlementaires français libres du contenu de la loi - est nécessaire). Sur ces questions : v notre : « Textes et documents constitutionnels depuis 1958. Analyses et commentaires » . Dalloz-Armand Colin.
(2) v. , entre autres, les publications de Marc Endelweld, Juan Branco, etc …
(3) Que le vote soit manipulable ( comme les esprits ) n’est pas une découverte du jour. C’est d’ailleurs l’argument qu’avait utilisé de Tocqueville pour convaincre ses collègues députés de voter (en 1848) l’instauration du suffrage « universel » : « Donnons-leur ( aux « sans dents », aux « gens qui ne sont rien » … de l’époque) le droit de vote : ils voteront comme on leur dira ».
(4) Les financiers ne vont pas mettre leur argent et leurs médias au service d’un individu qui proposerait de modifier les barèmes d’imposition dans le sens de la justice fiscale, de sanctionner l’évasion fiscale, ou de réguler un peu le fonctionnement de la finance ou de l’économie, de manière à ce que ces activités n’aient pas trop de conséquences fâcheuses sur la situation des strates les plus humbles de la population.
Comme la haute fonction publique, qui s’est habituée à faire carrière à cheval sur le privé et l’Etat, ne va pas soutenir en mettant en branle ses réseaux, celui qui se proposera de mettre bon ordre aux conflits d’intérêts, aux pantouflages et aux rétro- pantouflages et, de manière générale, aux diverses formes de corruption qui ne sont pas encore sanctionnées.
(5) Surtout quand on sait que les règles de Maastricht, Lisbonne … , sont en quelque sorte faites pour cela.
(6) On ne voit pas la solution jaillir de la classe politique et des partis actuels (analyse du contenu et des lacunes des discours et des programmes). En revanche, comme cela s’est produit plusieurs fois dans notre histoire, une partie des membres de la classe politique pourrait probablement se rallier à un « réformateur - catalyseur » venu de l’extérieur … A suivre.
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