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Les centristes ?

Le centre en politique, est-il le fruit de l'imagination humaine comme le centaure ou la licorne ?

A côté des partis ouvertement à gauche ou ouvertement à droite, il en existe d’autres qui se proclament au centre. L’avantage de cet auto-positionnement est la supposée sagesse du « juste milieu », une idée fort ancienne qu’on retrouvait déjà chez Aristote. L’on comprend donc leur motivation. Mais la question mérite d’être posée : existe-t-il en politique une position qu’on peut légitimement qualifier de centre ?

Posons la question autrement : si on rassemble la gauche et la droite, y a-t-il une part de l’éventail politique qui reste en dehors ? L’éventail politique se divise-t-il en trois plutôt qu’en deux ? Vu le nombre de manières d’être à droite et le nombre de manières d’être à gauche, on peut imaginer de diviser l’éventail en de nombreuses fractions, dix, douze ou plus. Mais en trois ? S’il fallait absolument le diviser en trois, j’envisagerais plutôt cette classification alternative : la gauche, la droite libérale et l’extrême droite. Ces deux droites ne se distinguent pas tellement par le fait que la seconde est plus radicale que la première mais par l’adhésion à des valeurs différentes : travail, famille, patrie versus marché et individualisme.

Où est le centre ? Entre la gauche et la droite, dira-t-on. Cette réponse tautologique n’éclaire en rien. Est-on sûr que les bords de la gauche et de la droite ne se touchent pas ? Dans le cas contraire, cette définition du centre se ramène à une impossibilité.

Tout dépend donc du critère dont on use pour distinguer la gauche et la droite. Le critère sur lequel je me base a pour fondement l’inégalité sociale. Dans cette optique, la gauche regroupe les personnes et institutions qui estiment que le niveau général de l’inégalité dans notre société est excessif et qu’il faut opérer des réformes pour le réduire. Ne sont considérées ici que des réformes substantielles dont il est raisonnable d’attendre qu’elles réalisent l’objectif. La droite regroupe les personnes opposées à ces mêmes mesures, même si certaines d’entre elles hésiteraient à prétendre ouvertement que le niveau d’inégalité est normal.

La gauche veut la réduction de l’inégalité ; « oui mais de combien ? » demandera-t-on. Pas nécessairement de beaucoup : suffisamment pour que ceux qui la vivent sentent la différence. On devrait pouvoir percevoir le changement sans avoir à consulter les statistiques économiques. Evidemment, plus on sera à gauche, plus la réduction espérée sera sérieuse. Mais il n’est nullement besoin de viser une situation proche de l’égalité.

Si l’on suit cette définition de la gauche et de la droite, les centristes sont ceux qui ni ne trouvent pas l’inégalité existante excessive, mais ne trouvent pas non plus qu’elle n’est pas excessive. Face à la question de l’inégalité et des réformes pour la réduire, cochent-ils la case « sans opinion » ? C’est absurde. En fait, il n’y a pas d’espace pour un centre en politique. Dans les années 1950 et 1960, quand l’inégalité était historiquement basse, on aurait pu distinguer une droite voulant augmenter les inégalités et un centre défendant le statu quo. Aujourd’hui, l’inégalité flirte avec ses records d’avant la première guerre mondiale ; cette distinction ne tient plus.

Quelle attitude politique serait-il sensé de qualifier « au centre ». Certains pourraient proposer : la gauche comprend ceux qui veulent réduire l’inégalité sensiblement et le centre ceux qui veulent la réduire modérément. Mais ma définition de la gauche n’exige pas que la baisse de l’inégalité soit forte, simplement qu’elle soit sensible par le public. Un homme politique qui dirait « je veux réduire les inégalités mais ça doit rester insensible, qu’on ne s’en aperçoive pas » serait non pas un centriste mais un sot.

Nous en arrivons donc à ce paradoxe que l’échiquier politique ne laisse pas d’espace à une politique qui n’est ni de gauche ni de droite alors que des politiciens, des partis et d’autres institutions s’autoproclament au centre, c’est-à-dire ni de gauche ni de droite. Quels sont les profils tentés par cette qualification ? Il semble qu’à gauche, on soit peu tenté par l’étiquette « centre ». C’est normal : à partir du moment où vous critiquez le système actuel de répartition, on voit mal comment vous pourriez ajouter « mais je ne suis pas à gauche ». Ce sont donc des gens de droite qui sont attirés par l’étiquette « centre ». Pourquoi, à droite, certains revendiquent leur appartenance droitière et d’autres non ?

Le comprendre nécessite de prendre du recul. Il faut considérer l’état existant de la société : nous sommes en régime capitaliste, l’inégalité est élevée et la mondialisation rend difficile toute tentative de s’y opposer. Dans ce contexte, prenons quelqu’un qui est de droite selon la définition ci-avant, autrement dit quelqu’un à qui cette situation convient. Mais choisissons un individu peu enclin à la polémique, réticent aux discours combattifs. Pourquoi s’exciterait-il à proclamer son adhésion à cette inégalité, à se présenter en défenseur de celle-ci, à claironner que le désir de réduire l’inégalité est une faute ? Alors qu’il suffit de laisser faire pour que cette inégalité se maintienne. Des discours policés suffisent. Pas besoin de revendiquer quoi que ce soit. Il laisse les attitudes plus combattives à ceux qui se souhaitent se revendiquer de droite. Ce choix comportemental lui donne l’illusion d’être centriste, même avec un brin de sincérité. Mais il ne faut compter ni sur l’une ni sur l’autre de ces attitudes droitières pour appliquer des réformes qui réduisent l’inégalité.

La mondialisation vient compliquer la question, car elle rend EXTRÊMEMENT difficile l’application de politiques nationales visant à réduire l’inégalité. Tellement difficile que même les partis de gauche se sentent impuissants. Il ne suffit plus de vouloir pour pouvoir. Les partis de gauche veulent mais ne peuvent pas, les partis de droite ne veulent pas, les partis du centre… euh… rien. Je ne dis pas que la situation est sans issue, mais la gauche ne pourra la trouver qu’en mettant radicalement en question sa manière de procéder jusqu’ici. Mais là je sors de mon sujet.

Certes, l’inégalité sociale n’est pas la seule pomme de discorde entre la gauche et la droite et on pourrait concevoir (mais ça reste à démontrer) que sur d’autres sujets il est possible d’adopter une position effectivement centriste. Mais l’antagonisme historique et fondamental porte bien sur l’inégalité sociale. A mon avis, la gauche commet d’ailleurs une erreur en investissant trop d’énergie dans d’autres combats que celui qui est au cœur de sa nature, au point de parfois abandonner la classe ouvrière à son sort.

Dans les pays où le système électoral s’y prête, des coalitions gouvernementales associent régulièrement des partis de droite et la social-démocratie. Quelqu’un pourrait hasarder : ces partis de droite qui acceptent de « coopérer » avec la gauche modérée, ne méritent-ils pas l’étiquette centriste ? Où est la logique ? Si ce critère était valable, on pourrait tout aussi bien qualifier les partis sociaux-démocrates de centristes parce qu’ils acceptent de collaborer avec la droite.

 


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13 réactions à cet article    


  • Sirius Brutus 27 avril 15:51

    La question des nuances posée par l’article concerne la pêche aux voix, mais pas les lignes des partis qui en fait pratiquent tous une même politique libérale depuis 1946 (naissance de la quatrième république après le GPRF), et mondialiste depuis 1974, (élection de Giscard d’Estaing) , quel que soit le parti au pouvoir, les plus beaux exemples étant Mitterrand qui a limogé Pierre Maurois après l’avoir utilisé comme appât, et son émule Hollande qui est allé rassurér la City (« aille ame note dandjerousse ») après s’être déclaré « l’ennemi de la finance ».

    Les nuances ont pour but de s’adresser à différentes sensibilités d’électeurs pour capter des bulletins de vote donnant accès à des sièges. Une fois élus, ils font tous la même chose : servir les intérêts des familles puissantes en contrepartie d’une gamelle généreuse.

    Le centre est une fiction proposant de l’eau mitigée pour ne pas laisser s’échapper ceux qui ont peur de l’eau froide et craignent de se brûler avec l’eau chaude. Mais c’est toujours de l’eau, celle qui fait tourner le moulin à parole des tribuns démagogues


    • Paul Jael 28 avril 19:18

      @Brutus
      Le problème vient de la mondialisation de l’économie. Aucun mouvement politique n’a encore trouvé le moyen de contourner la menace de sanction contre une politique qui déplaît au marché mondial. Si les partis qui souhaitent une telle politique ne s’allient pas par-dessus les frontières, la situation restera bloquée.


    • Sylfaën.H. Sylfaën.H. 28 avril 19:55

      @Paul Jael
      la situation restera bloquée tant qu’il y aura du partisme pour politiques, populiste à souhait, estrade des sculpteurs d’air chaud, tant que vous ne saurez exactement quoi faire, partis ou pas. Ils sont « à la gamelle » et ne lâcherons pas l’affaire.
      Mais de quelle affaire s’agit-il ?


    • ZenZoe ZenZoe 27 avril 16:39

      Si on se place du point de vue de la lutte des classes, il n’existe que deux visions politiques : celle des privilégiés et celle des défavorisés, chaque camp oeuvrant pour son propre avantage, avec éventuellement des nuances. Le centre n’existe pas. C’est comme à la guerre, on est soit dans un camp, soit dans l’autre.

      Depuis l’avènement d’une classe moyenne importante, cette distinction ne tient plus beaucoup et le curseur se place au petit bonheur selon d’autres considérations : écologie, sujets sociétaux, géopolitique... laissant tout le monde un peu déboussolé à vrai dire.

      Patience, cette classe moyenne est en train de disparaître. Bientôt, on aura, comme avant, les riches d’un côté, et les pauvres de l’autre, et voter sera devenu bien plus simple (à condition bien sûr que le vote ne soit pas aboli par les riches hein !).

       smiley


      • Francis, agnotologue Francis, agnotologue 27 avril 17:37

        @ZenZoe
         
        ’’Patience, cette classe moyenne est en train de disparaître. Bientôt, on aura, comme avant, les riches d’un côté, et les pauvres de l’autre ’’
        >
        Bien vu, c’est comme un balancier de l’histoire : il y a deux forces qui s’opposent, celle du nombre de la multitude et celle de la possession (du patrimoine). Et au milieu, les classes moyennes dont l’importance est la variable d’ajustement.
         
        La noblesse a pu être éradiquée à la révolution par la classe moyenne (les bourgeois des grandes villes) parce qu’elle était décadente. L’expression « Noblesse oblige » signifiait que ses privilèges, elle les devait à leurs devoirs (inhérents à leurs valeurs). Petit à petit, ses descendants ont abusé de leurs privilèges et n’ont plus été en mesure de tenir leur rang.


      • Seth 28 avril 14:40

        @ZenZoe

        Cette fameuse classe moyenne fait penser à ce que Engels le premier me semble-t-il mais aussi Lénine appela « l’aristocratie du salariat ».

        Voulant à tout prix mettre fin à cette lutte des classes, on a « créé » (politiciens + media) une sorte de classe intermédiaire, le terme de prolétariat étant considéré comme insultant, parce qu’on avait besoin de votants bien pensants, peu syndiqués, défenseurs du capital pour ramasser les miettes qu’on laissait tomber de la table.

        Et pourtant, prolétaire définit celui qui vend sa force de travail, manuel ou intellectuel, la « classe moyenne » en fait donc partie et elle correspond pour une grande partie aux « bullshit jobs » de Graeber.

        Mais maintenant on n’a plus besoin de ces valets qui n’ont fait que conforter à partir des 30 glorieuses le capital comme maître absolu et donc leur rôle est maintenant terminé : ils coûtent trop cher et ne servent plus à rien. Ils ont été pourtant ceux qui ont fait en sorte de tuer la contestation sociale en s’estimant au dessus de la base et qui ont transmis les ordres « d’en haut » en tapant sur les pauvres.

        Maintenant on est en train de les ravaler à ce qu’ils ont en fait toujours été : des prolétaires qui moyennant quelques bribes et des pavillons sam’suffit ont été le truchements de la fin du combat syndical, social et politique mené par la bourgeoisie. Et maintenant, « l’encadrement » pleurniche... Bien fait pour lui ! smiley


      • Xenozoid Xenozoid 28 avril 14:52

        @Seth

        le principe de la démocratie est d’élever le prolétariat au niveau de bêtise du bourgeois


      • Seth 28 avril 15:20

        @Xenozoid

        Le principe de la bourgeoisie consiste en la division du prolétariat en créant des intérêts différents.

        Il y a aussi un lumpenproletariat déclassé et sans éducation politique entretenu par les caritatifs bien pensants genre Resto du Cœur fondés pour partie par des soi disant gauchistes.

        Ces deux sous-classes ne représentent aucune menace pour la bourgeoisie et c’est ainsi qu’elle se maintient sans menace de révolution. Les révolutions naissent dans les ventres creux en l’absence d’idéal politique, mais à cela on a pourvu à l’école.


      • Seth 28 avril 15:24

        @Seth

        Je m’excuse pour ces coms un peu longs alors que trouve à redire à l’octavo-lebellisme mais je ne dis pas les mêmes chose que lui et je ne fais pas de pub à Aubry. smiley


      • Paul Jael 28 avril 19:30

        @ZenZoe
        L’inégalité est plus complexe que simplement considérer deux ou trois classes en lutte. Chacune de ces classes est divisée en une série de sous-groupes et finalement, un obtient une stratification plus ou moins pyramidale. Le rapport entre la hauteur et la largeur de cette pyramide reflète le niveau d’inégalité. Chaque électeur a une conception du rapport idéal. La gauche souhaite réduire ce rapport ; la droite désire le maintenir. 


      • https://www.youtube.com/watch?v=oalzKsKTeFg&t=14s

        LA FACE CACHÉE DE GÉOPOLITIQUE PROFONDE (ON VOUS DÉVOILE TOUT !) | FRANCK PENGAM | GPTV


        • zygzornifle zygzornifle 29 avril 10:53

          ils sont devenus des sang tristes ....


          • Sylfaën.H. Sylfaën.H. 29 avril 16:04

            @Auteur : Question, siouplé

            .

            A relire ’Economie Politique’ d’un Généreux chez Hatier, pg81 :

            Le coût fixe affecte le niveau du coût total mais il est, par définition, sans effet sur les variations du coût total (càd sur le coût marginal).

            La réalité nous montre bien que les coûts fixes sont liés à la grÔsse-machine dès lors que le mot Compétition est apparu.

            Ce coût fixe Doit être Assuré autrement que par Privé, providentiellement par Etat attendu, à garantir Alim+Toit+Santé dignes, pour que tout un chacun puisse fonctionnellement travailler correctement.

            Cette « Charge » de l’Etat-Providence apparaît ... nulle part, plus occupé qu’il est par infestations partisanes à vendre La Nation qui Le Porte, tant que Princesse régâle. L’Etat Doit Prendre la main sur ...

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