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Les dérives de l’aide humanitaire

Pendant des années, Pharmaciens Sans Frontières Comité International a très peu communiqué sur ses activités. Et pour cause. Le torchon brûlait entre les différentes sections françaises du mouvement PSF et la politique d’intervention soutenue par le Comité International se trouvait confrontée à l’opposition d’un grand nombre de ses associations départementales françaises membres. Accusée de « professionnalisme » - sujet très tabou en France où l’humanitaire n’est plus considéré comme humanitaire dès lors que l’on décide d’y consacrer toute sa vie plutôt que ses temps libres -, critiquée pour s’occuper de « bassins entiers de populations » (40 millions de bénéficiaires en 2004) plutôt que de quelques centres de santé privilégiés, le Comité International de PSF a choisi le silence plutôt que l’affrontement médiatisé qui aurait pu faire perdre toute sa crédibilité à l’ensemble du mouvement. D’autant plus que la politique d’intervention préconisée par le Comité International n’avait pas la faveur du grand public. Quand en mai 2004 le tribunal a décidé que les opposants à la politique du Comité International n’avaient plus le droit d’utiliser le nom et le logo de l’association, le bilan sur la notoriété de PSF en France était catastrophique. Aujourd’hui, à la question : « Que fait Pharmaciens Sans Frontières ? », 95% des Français répondent « ils collectent des médicaments pour les envoyer dans les pays pauvres » alors que Pharmaciens Sans Frontières lutte sur tous les fronts contre cette pratique malheureusement si chère au coeur des Français. Image non seulement faussée mais complètement à l’opposée de la réalité. Heureusement, l’image de l’association à l’international n’a pas souffert de cette polémique franco-française et l’association jouit aujourd’hui d’une excelllente réputation auprès des autorités sanitaires des pays du sud, des organismes de l’ONU liés à la santé et au développement et des grands bailleurs de fonds de l’aide humanitaire internationale. Mais le sujet de la discorde était-il grave au point de mériter un dénouement aussi radical que la scission d’un mouvement ? OUI. Les énormes torts causés aux pays en développement ou aux pays en situation de crise par des envois incontrôlés de médicaments qui ne respectent ni les listes nationales de médicaments autorisés dans les pays ni les circuits officiels d’approvisionnement, de contrôle-qualité et de distribution réglementés par leur Politique Pharmaceutique Nationale en sont la preuve. Depuis une vingtaine d’année, tous les pays pauvres sont le théâtre d’un vaste trafic de médicaments revendus dans les rues par des vendeurs souvent illettrés à des populations peu informées quant aux risques de santé qu’elles encourent en s’approvisionnant dans les rues.

Dès 1996, et pour essayer d’enrayer l’évolution d’un problème qui s’amplifiait rapidement, les principaux organismes intergouvernementaux et non-gouvernementaux qui interviennent das le cadre de la solidarité internationale ont élaboré un document de bonne pratique en matière de dons, les Principes Directeurs applicables aux dons de médicaments : 12 articles définis par les experts de l’aide humanitaire de l’ONU (OMS, UNICEF, Haut-Commissariat aux Réfugiés, Fonds des Nations Unies pour l’Aide aux Populations, Fonds des Nations Unies pour le Développement, ONUSIDA), la Fédération Internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, la Fédération Internationale Pharmaceutique et les plus grandes organisations non gouvernementales travaillant dans le domaine de la santé (MSF, OXFAM et PSF). Leur objectif étant de protéger les pays des abus récurrents de l’aide humanitaire internationale qui fait souvent passer son besoin d’agir avant l’intérêt des bénéficiaires. Les conséquences sont dramatiques aussi bien du point de vue économique (concurrence aux producteurs et commerçants locaux - intensification du marché parallèle de médicaments dans des circuits où les conditions de conservation ne permettent pas d’en garantir la qualité - déstabilisation des circuits mis en place par les pouvoirs publics pour garantir l’accès de TOUS à des médicaments essentiels de qualité) que du point de vue santé publique (automédication qui entraîne de nombreuses résistances ou même la mort). La générosité est trop souvent arrogante et paternaliste et, fort de sa générosité, le donateur s’impose dans les pays au mépris de leurs lois et réglementations.

Elle est pourtant simple la stratégie que les pays pauvres mettent en place avec l’aide de l’OMS et des associations humanitaires : Elle se base sur l’élaboration d’une liste nationale de médicaments essentiels (qui répondent aux besoins de la majorité de la population), une centrale nationale d’approvisionnement qui regroupe les commandes des répartiteurs régionaux et passe de grands appels d’offres sur le marché mondial des génériqueurs afin d’obtenir les prix les plus bas. Les Centres de Santé, gérés par des Comité de Gestion élus parmi les membres de la communauté, mettent en place des systèmes de recouvrement des coûts adaptés aux possibilités financières de leur population afin de recouvrer suffisamment de fonds pour renouveler les stocks de médicaments du centre. Tous les éléments de ce circuit ont des statuts d’association sans but lucratif. Toute aide à apporter aux Centres de Santé (beaucoup en ont encore besoin) doit respecter le circuit officiel d’approvisionnement pour le renforcer car plus les commandes de la Centrale Nationale seront volumineuse et plus les prix obtenus seront bas. Pour exemple, la Centrale Nationale du Burkina-Faso qui, grâce à l’adhésion de la majeure partie des dépôts régionaux et à une gestion sérieuse, peut se permettre chaque année de reverser ses bénéfices dans le système en baissant les prix des médicaments.

Pour les torts causés par les dons de médicaments en situation d’urgence, voir les communiqués de presse sur le site Internet de PSF-CI (www.psfci.org / presse / communiqués) au sujet des dons à l’Indonésie ainsi que les pages 20 et 21 des Principes Directeurs applicables aux dons de médicaments.

Pour consulter les Principes Directeurs applicables aux dons de médicaments sur le site de l’OMS : http://www.who.int/medicines/library/par/who-edm-par-1999-4/who-edm-par-99-4.shtml

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